Toute relation d’affaires repose sur l’intégrité et la confiance. C’est tout l’enjeu des approches de type KYC (Know your customer) qui visent à vérifier l’identité des clients et des fournisseurs. L’une des sources d’information est le registre des bénéficiaires effectifs.
Lorsqu’une société est créée, il est obligatoire de déclarer la ou les personnes physiques qui la contrôlent. Les bénéficiaires effectifs concernent donc l’actionnariat des entreprises ayant leur siège social en France, ou un établissement s’il s’agit de sociétés étrangères, ainsi que toute entité immatriculée au registre du commerce (organismes de placement collectif, GIE, associations…).
Bénéficiaire effectif : définition
Une directive européenne a institué un registre des bénéficiaires effectifs (RBE), ceux-ci étant définis comme « la ou les personnes physiques qui détiennent, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote de la société ou exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur les organes de gestion, d’administration ou de direction de la société ou sur l’assemblée générale des associés ». Si aucun de ces critères n’est rempli, il s’agit de la personne ou des personnes qui représentent légalement la société (gérant, président, etc.).
Les informations concernent les éléments d’identification (nom de naissance, nom d’usage, prénoms, pseudonyme, nationalité, date et lieu de naissance) et le domicile personnel des bénéficiaires effectifs, ainsi que les modalités du contrôle que ces derniers exercent sur la société ou l’entité (détention directe ou indirecte du capital ou des droits de vote, pourcentage, pleine propriété, nue-propriété, indivision, représentant légal, etc.).
Un impératif de mise à jour
Tout changement concernant les bénéficiaires effectifs, à n’importe quel moment de la vie de la société, doit également être déclaré. A défaut, le responsable peut être condamné à une amende de 7 500 € et à six mois de prison, ainsi qu’à une interdiction de gérer (quinze ans maximum) et à une privation partielle de ses droits civils et civiques. Ces sanctions s’appliquent aussi au bénéficiaire effectif qui refuse de communiquer les informations nécessaires à sa déclaration.
L’identification des bénéficiaires effectifs n’a de sens que si elle est opérationnelle au niveau international. La directive 2018/843 du Parlement européen et du Conseil de l’Europe sur la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme stipule « les États membres devraient pouvoir déterminer les données qu’ils jugent utile et proportionné de recueillir pour permettre l’identification utile des bénéficiaires effectifs, en tenant compte des systèmes et des traditions juridiques en vigueur. Les États membres sont actuellement tenus de veiller à ce que les sociétés et autres entités juridiques constituées sur leur territoire obtiennent et conservent des informations adéquates, exactes et actuelles sur leurs bénéficiaires effectifs. »
Les bénéficiaires effectifs, un rôle clé dans les dispositifs LCB-FT
Les bénéficiaires effectifs constituent un pilier essentiel dans la LCB-FT. En effet, les criminels utilisent souvent des structures d’entreprise multiples pour masquer l’origine illicite de leurs fonds, avec, souvent, la multiplication d’entités juridiques pour renforcer l’opacité de leurs activités. En rendant visible qui contrôle réellement une entreprise, il est ainsi plus facile d’identifier les activités suspectes, d’établir des liens directs avec des flux financiers illicites, et de geler ou de confisquer des avoirs utilisés à des fins criminelles.
La directive européenne de 2018 explique ainsi que « la nécessité de disposer d’informations exactes et actualisées sur le bénéficiaire effectif joue un rôle déterminant pour remonter jusqu’aux criminels, qui pourraient autrement masquer leur identité derrière une structure de société. Le système financier interconnecté à l’échelle mondiale permet de dissimuler et de transférer des fonds à travers le monde, une possibilité dont les blanchisseurs des capitaux, ceux qui financent le terrorisme ainsi que d’autres criminels ont de plus en plus fait usage. »
Détecter pour dissuader et sanctionner
Une exhaustivité dans l’identification est donc essentielle pour dissuader toute tentative de blanchiment, directe ou via des cascades de sociétés écrans. Dans ses lignes directrices sur les bénéficiaires effectifs, l’Autorité de Contrôle Prudentiel de la Banque de France appelle l’attention des organismes financiers sur le fait « qu’ils doivent s’assurer qu’ils ont effectivement recherché la(les) personne(s) physique(s) qui doi(ven)t être considérée(s) comme bénéficiaire(s) effectif(s), en particulier en cas de risque élevé de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme. »
Identifier les bénéficiaires effectifs : trois défis majeurs
Bien que le registre des bénéficiaires effectifs représente une avancée majeure et une arme puissante dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), trois obstacles en restreignent concrètement la portée et l’efficacité.
Défi n°1 : la complexité des structures juridiques
L’un des principaux défis réside dans la complexité d’obtenir une vue d’ensemble des montages juridiques, en particulier lorsque de multiples entités, dont des sociétés offshore, sont imbriquées avec des participations croisées dans plusieurs pays. Certains de ces États, peu engagés dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, compliquent encore davantage cette tâche. Rappelons que la liste grise du GAFI comporte par moins de 24 pays (sous surveillance renforcée), en plus des trois qui figurent sur la liste noire ( et donc considérés comme à haut risque).
Ces montages juridiques complexes participent aux trois principaux modes opératoires du blanchiment :
- l’injection des fonds d’origine criminelle sous forme d’argent liquide dans le circuit économique et financier (« le placement »),
- la conversion, le déplacement et la dispersion des fonds aux fins de masquer leur origine illégale (« l’empilement »),
- la réintroduction des fonds dans les activités économiques légales (« l’intégration »).
Des actions facilitées par des montages juridiques de types fondations, trusts, domiciliées dans des paradis fiscaux qui contribuent à diluer la traçabilité des bénéficiaires effectifs, en particulier ceux qui sont au sommet de la chaîne de participations.
Défi n°2 : un accès limité ou une inexactitude des bases de données disponibles
Malgré les obligations sur les bénéficiaires effectifs, l’exhaustivité des registres publics n’est pas encore atteinte car toutes les entreprises ne remplissent pas leurs obligations. En France, sur les cinq dernières années, ce sont pas moins de 2,5 millions de courriers qui ont été adressés par les greffiers pour inviter les sociétés assujetties à mettre à jour leurs informations.
Défi n°3 : des fraudes intentionnelles ou des données dissimulées
Outre les données manquantes, les informations relatives aux bénéficiaires effectifs sont susceptibles d’être falsifiées intentionnellement pour masquer les véritables identités ou qualités des personnes concernées. Dans certains cas, les bénéficiaires effectifs utilisent des prête-noms pour dissimuler leur identité. Les informations sur ces derniers peuvent être exactes, mais leurs intentions beaucoup moins avouables…
Quelles bonnes pratiques pour garantir la conformité ?
Les entreprises qui sont en première ligne dans la LCB-FT (banques, assurances, avocats, agents immobiliers, notaires…) doivent gérer trois impératifs pour intégrer les bénéficiaires effectifs dans leur politique de conformité :
Garantir l’efficience dans la gestion des données
La LCB-FT repose sur l’analyse d’énormes volumes de données, en croissance régulière, qui, en outre, doivent être vérifiées (et mises à jour) en permanence pour garantir l’intégrité des tiers et des relations d’affaires. Par exemple, une solution comme APScan enrichit les données sur les bénéficiaires effectifs et permet d’identifier les personnes sensibles.
S’assurer de disposer des bonnes informations
Le registre des bénéficiaires effectifs est une source d’informations incontournable. Mais depuis le 1er août 2024, les informations concernant les bénéficiaires effectifs ne sont plus publiques : les entreprises qui souhaitent le consulter doivent désormais justifier d’un intérêt légitime. Une solution comme AP Scan propose, via des API, l’accès au registre des bénéficiaires effectifs, en plus des listes sur les gels des avoirs, les personnes exposées politiquement…
Privilégier la réactivité
Pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, la rapidité de détection est primordiale, afin de stopper au plus tôt les flux de capitaux suspects. Pour atteindre cet objectif, des processus internes sont indispensables pour mieux documenter les recherches et retrouver aisément les documents nécessaires aux investigations. Les processus doivent évidemment être automatisés, car une gestion manuelle génère des erreurs, des imprécisions et un retard préjudiciable dans la détection des transactions suspectes.
L’intérêt du recensement et de la gestion des bénéficiaires effectifs est triple, il s’agit à la fois :
- de dissuader (avec les obligations d’informations),
- de détecter (qui fait quoi) et de sanctionner, grâce à l’identification de toutes les parties prenantes dans les opérations de blanchiment,
- de lutter contre le terrorisme.
Seules des solutions logicielles innovantes et performantes permettent d’atteindre ces trois objectifs.