L’anonymat permis par l’usage des cryptomonnaies est-il compatible avec les exigences de conformité règlementaire ? En théorie, non, car les transactions financières anonymes ouvrent la porte aux opérations de blanchiment et de financement du terrorisme. La législation évolue dans le bon sens, mais l’usage de solutions logicielles reste incontournable pour surveiller, détecter et éradiquer les transactions suspectes.
L’ANONYMAT, PILIER DE LA BLOCKCHAIN ET DES CRYPTOACTIFS
Les cryptomonnaies et l’anonymat sont deux termes souvent associés car ils reposent sur la technologie de Blockchain et des protocoles de chiffrement. L’anonymat est facilité par trois caractéristiques principales de la Blockchain et des cryptomonnaies :
L’utilisation de pseudonymes au lieu d’identités réelles
Contrairement aux systèmes bancaires traditionnels où les transactions sont associées à des comptes nominatifs, les cryptomonnaies utilisent des adresses publiques (des suites de caractères alphanumériques) pour identifier les utilisateurs. Ainsi, une transaction est enregistrée sur la Blockchain sous une adresse pseudonyme, et non sous le nom réel de l’utilisateur.
Une absence d’intermédiaires centralisés
Dans le système bancaire traditionnel, les transactions passent par des institutions financières qui enregistrent et vérifient l’identité des utilisateurs. Avec les cryptomonnaies, les transactions sont directement effectuées entre pairs (peer-to-peer), sans nécessité un tiers de confiance imposant une identification.
Une transparence sans lien direct avec une identité
Toutes les transactions en cryptomonnaies sont enregistrées sur une Blockchain publique. Cela signifie que tout le monde peut voir les flux d’argent entre différentes adresses, mais sans nécessairement pouvoir identifier qui se cache derrière une adresse donnée.
ANONYMAT ET CONFORMITE : UNE COLLISION INEVITABLE !
En matière de cryptomonnaies, l’anonymat est donc une réalité. Hélas, ce principe est également mis à profit par ceux qui pratiquent le blanchiment de capitaux et financent le terrorisme. Selon un rapport du Sénat publié en 2022, « les cryptoactifs, grâce à la Blockchain, poursuivent un objectif simple : rendre possible des échanges encodés, anonymes, sécurisés, transparents pour les utilisateurs et surtout opaques pour les autorités. L’absence parfaite de régulation par une autorité centrale permet aux utilisateurs d’échapper complètement à la supervision des gouvernements. »
Précisons que, malgré leur dénomination, les cryptomonnaies ne sont pas des monnaies. Selon le ministère des Finances, « les cryptomonnaies ne sont pas reconnues comme des instruments financiers […], elles ne sont pour l’heure pas réglementées. » En effet, elles ne remplissent pas trois conditions qui définissent une monnaie, même si la situation évolue : servir d’instrument d’échange (pour acheter et vendre), être une unité de compte (pour comparer des prix) et ne sont pas des réserves de valeur. Sur le plan juridique, un cryptoactif n’est pas une monnaie parce qu’il « ne dépend d’aucune institution, ne bénéficie d’aucun cours légal, ce qui rend l’évaluation de sa valeur difficile, et ne peut être épargné, donc constituer une valeur de réserve », précise le ministère des Finances.
UNE PRESSION RÈGLEMENTAIRE POUR LIMITER L’ANONYMAT
C’est d’ailleurs pour cette raison que le législateur entend limiter cet avantage. Le Sénat a en effet adopté, début 2025, un projet de loi qui interdit l’anonymisation des transactions en cryptomonnaies, avec de nouvelles restrictions pour les PSAN (prestataires de services sur actifs numériques) et les utilisateurs particuliers. Au niveau européen, le règlement MiCA (Markets in Crypto Assets), édicté par le Parlement européen en avril 2023, a été transposé en droit français en octobre 2024 et applicable depuis janvier 2025. Ce texte précise que pour protéger le système financier de l’UE contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, les prestataires de services sur cryptoactifs doivent renforcer les contrôles sur les transactions impliquant des pays tiers à haut risque, dont les dispositifs de lutte sont insuffisants.
Au Sénat, un amendement a été déposé, le 20 janvier 2025, pour interdire l’usage des « mixeurs » de cryptoactifs qui visent à opacifier et rendre intraçable l’origine des cryptoactifs circulant sur la blockchain. « Compte tenu de leurs caractéristiques, ces mixeurs sont en effet utilisés de manière croissante dans les circuits de blanchiment, en particulier s’agissant de revenus issus du narcotrafic », précise le texte. Le risque d’utilisation des cryptoactifs pour le financement d’activités criminelles est jugé très élevé par le Comité d’orientation de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (COLB).
LA FIN DE L’ANONYMAT ? PAS ENCORE…
L’évolution des législations pour limiter les effets pervers des cryptomonnaies, en particulier l’anonymat, contribue à atténuer le déséquilibre entre, d’un côté, les risques de blanchiment et de financement du terrorisme et, de l’autre, les exigences de conformité. Est-ce suffisant ? Ce n’est pas certain, pour quatre raisons principales :
Une imagination délictuelle sans limites
Comme dans tous les domaines de la criminalité, surtout financière, l’imagination des fraudeurs est quasiment sans limite : dès lors que de nouvelles barrières s’érigent, elles sont souvent contournées à plus ou moins long terme.
Des enjeux financiers de plus en plus colossaux
Les enjeux financiers sont d’ores et déjà significatifs et augmentent régulièrement : la Banque de France rappelle ainsi que la capitalisation des cryptoactifs a atteint 2,1 milliards de dollars (à fin octobre 2024), deux fois plus qu’en 2023 et près de 120 fois plus qu’en 2017, précise la Cour des Comptes. De quoi attirer les instigateurs d’activités illicites comme des abeilles sur un pot de miel.
Le long chemin entre la loi et sa mise en œuvre
La bonne volonté des auteurs des textes règlementaires ne se traduit pas toujours par un rythme soutenu de mise en pratique sur le terrain ni par une motivation durable des prestataires de services (PSAN). On le constate par exemple avec les délais plus ou moins longs de transposition des directives européennes dans le droit national.
L’international facilite l’opacité et l’impunité
Le contexte international favorise toujours les montages opaques, ce qui rend la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme assez difficile, en particulier l’application de sanctions dissuasives.
AUTOMATISER POUR SURVEILLER, DÉTECTER ET GARANTIR LA CONFORMITÉ
Au-delà des règlementations, l’efficacité de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme repose sur la robustesse de la conformité dans les entreprises. La cohabitation entre l’anonymat des cryptomonnaies et les exigences de conformité est-elle donc possible ? En réalité, elle l’est, mais à une condition : l’automatisation des processus de détection, de même que l’analyse des données clients et de leurs transactions financières (en partie grâce aux atouts de l’intelligence artificielle augmentée), en temps réel.
S’il reste difficile de prévenir les tentatives de fraude, il est cependant possible de s’attaquer aux conséquences (en les stoppant le plus tôt possible) et de maîtriser les circuits de flux financiers. Dans ce domaine, les solutions logicielles sont des armes fatales pour garantir la conformité réglementaire !
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