Finance décentralisée : un casse-tête supplémentaire dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme

par 04/11/2024LCB-FT

Les crypto-monnaies suscitent de plus en plus d’intérêt : le marché mondial était estimé à 1,6 milliard de dollars en 2022 et dépassera les 2,7 milliards à l’horizon 2030, selon le cabinet Vantage Market Research. Les crypto-monnaies sont notamment à la base de la finance décentralisée.

LA FINANCE DECENTRALISEE : COMMENT ÇA MARCHE ?

Reposant sur des infrastructures Blockchain, la finance décentralisée ou DeFi se définit comme une technologie décentralisée utilisant des fonctions de cryptage pour sécuriser, fiabiliser et transférer l’information au sein d’un réseau dans lequel la confiance est distribuée via des algorithmes mathématiques, se soustrayant ainsi à des tiers de confiance. L’association Blockchain France la définit comme une « Technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée et fonctionnant sans organe central de contrôle. »

Concrètement, la Blockchain est une vaste base de données qui regroupe l’historique de toutes les transactions entre ceux qui l’utilisent. Les échanges sont ainsi enregistrés en quasi temps réel et cette base de données est sécurisée et distribuée : elle est partagée par ses différents utilisateurs, sans intermédiaire, ce qui permet à chacun de vérifier la validité de la chaîne.

Selon un rapport de l’AMF (Autorité des marchés financiers), près de 2 000 protocoles DeFi auraient été dénombrés début 2023, soit plus du double du nombre de protocoles (855) enregistrés début 2022.

LES TROIS INGREDIENTS DE LA FINANCE DECENTRALISEE : PROTOCOLES, CONTRATS ET APPLICATIONS

  • Des protocoles pour gérer: il s’agit de règles permettant à des ordinateurs de formater, de gérer et de transmettre des données (à l’image du http pour les pages Web). Ces protocoles introduisent une rupture par rapport aux services financiers traditionnels, avec les banques comme acteurs principaux, car ils permettent une totale désintermédiation/automatisation.
  • Des contrats pour paramétrer : les contrats sont dits « intelligents » (smart contracts en anglais), ils répliquent les dispositions d’un contrat classique, mais les transactions sont exécutées automatiquement selon les critères et paramètres définis, y compris pour les exigences règlementaires.
  • Des applications pour innover : elles fournissent aux utilisateurs l’interface nécessaire pour avoir accès aux fonctionnalités des smart contracts. Ainsi, les utilisateurs soumettent leurs demandes de transactions, qui sont vérifiées en fonction des dispositions des smart contracts. Si celles-ci sont validées, la transaction est effectuée.

DES ATOUTS INDENIABLES…

Par rapport à la finance dite traditionnelle, la finance décentralisée apporte trois avantages essentiels :

  • L’absence d’intermédiaires et la garantie de transparence: les utilisateurs interagissent directement via des protocoles décentralisés sur la Blockchain et des contrats intelligents, ce qui élimine la nécessité de recourir à des banques, courtiers ou institutions financières traditionnelles.
  • La sécurité et l’interopérabilité des protocoles, qui peuvent fonctionner ensemble. De par sa conception, la Blockchain garantit la sécurité des données et des transactions.
  • L’innovation pour développer de nouveaux services. Grâce aux contrats intelligents, il est possible de créer des services financiers sophistiqués qui s’exécutent automatiquement sous certaines conditions (par exemple, le remboursement automatique d’un prêt). La finance décentralisée peut être utilisée, en autres, pour emprunter, prêter et échanger des cryptomonnaies, ou gérer des actifs numériques en déléguant par exemple la gestion de leurs portefeuilles de cryptomonnaies à des gestionnaires d’actifs automatisés.

Rappelons qu’une crypto-monnaie (ou crypto-actif) est définie, par l’Autorité des marchés financiers, comme « toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement. » Le plus connu des actifs numériques étant le bitcoin, qui s’achète et se vend via des plateformes spécialisées.

… MAIS DES RISQUES REELS

Si la finance décentralisée présente d’indéniables avantages, il faut aussi être conscient des risques associés. Il existe en effet une différence importante entre la finance centralisée (celle que nous connaissons avec les banques) et la finance décentralisée : avec la première, toute activité financière est reliée à l’identité des parties prenantes (selon le principe KYC : Know Your Customer) et les banques peuvent refuser à certains l’accès à leurs services. Avec la seconde, les transactions, instantanées, sont anonymes (absence de vérification d’identité) et tout le monde peut utiliser les services.

OU EST LA REGULATION ? NULLE PART…

Ainsi, contrairement aux systèmes financiers traditionnels, les transactions DeFi ne sont pas régulées. En cas de fraude ou de litige, il n’existe donc pas d’autorité centrale pour intervenir laissant la porte ouverte aux pertes financières. Les cryptomonnaies utilisées sont en effet souvent très volatiles et une chute soudaine de leur valeur peut entraîner des pertes financières importantes, notamment dans des services comme les prêts. C’est également un espace propice aux fraudes, par exemple lorsque le créateur d’un projet récolte des fonds, émet un jeton qui n’a aucune valeur en échange de monnaie réelle ou d’autres cryptos, et disparaît avec les fonds.

On observe également une recrudescence des opérations de phishing. Des protocoles DeFi ont d’ailleurs déjà été attaqués. On peut citer par exemple le groupe Inferno Drainer, actif depuis août 2023, à l’origine du vol de plus de 180 millions de dollars et qui a fait plus de 189 000 victimes. Les pirates peuvent également manipuler le prix des actifs, l’ordre des transactions, ou modifier les termes d’un contrat intelligent. En 2022, 3,1 milliards de dollars ont été détournés via la finance décentralisée, selon une étude Chainanalysis, quinze fois plus qu’en 2020 !

UNE PORTE OUVERTE POUR LE BLANCHIMENT ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME ?

Du fait de l’instantanéité et de l’anonymat des transactions pour les acheteurs et les vendeurs (à la différence des comptes bancaires classiques), la finance décentralisée constitue un vecteur privilégié pour le blanchiment et le financement d’activités occultes, en particulier le terrorisme. Car ces deux critères (la rapidité et la discrétion), sont particulièrement appréciés des réseaux de blanchiment, qui échangent de la monnaie réelle contre de la monnaie virtuelle. Plusieurs techniques, plus ou moins sophistiquées sont utilisées, nous renvoyons aux études de Tracfin pour en connaître le détail.

LE RENFORCEMENT DES LEGISLATIONS EST-IL SUFFISANT ?

Les pouvoirs publics ont bien sûr tenté de limiter ces risques. Ainsi, une ordonnance de 2020 (2020-115 du 12 février 2020) a renforcé la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme applicable aux actifs numériques. Plus récemment, l’ordonnance n° 2024-937 du 15 octobre 2024 relative au durcissement des obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme en matière de transfert de crypto-actifs, assujettit les prestataires de crypto-actifs aux règles européennes, avec des mesures de vigilance adaptées.

Malgré ces mesures, plus que nécessaires, il est peu probable que le blanchiment et le financement du terrorisme se trouvent éradiqués de façon radicale à court ou moyen terme. Une étude des Nations Unies a d’ailleurs mis en exergue les quatre « atouts » des crypto-monnaies pour les blanchisseurs d’argent : l’anonymat, l’instantanéité/gratuité des transactions, la possibilité de blanchir des montants importants avec des milliers de petites transactions et, enfin, la volatilité des cours des crypto-monnaies qui permet de justifier un enrichissement rapide.

LES TROIS ATOUTS DE LA CONFORMITE : COOPERATION, SENSIBILISATION… ET SOLUTIONS LOGICIELLES

Les progrès dans ce domaine reposent avant tout sur une coopération renforcée (et durable) entre les pouvoirs publics et les entreprises. Si, du côté des autorités de régulation, la sensibilisation est de mise, c’est moins le cas pour les entreprises, qui sont pourtant en première ligne dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Au-delà d’une sensibilisation de toutes les parties prenantes, la réglementation restante complexe et les enjeux financiers colossaux, un outillage logiciel adapté est crucial : c’est le seul moyen d’assurer la conformité, d’éliminer les risques associés (amendes, responsabilité pénale des dirigeants…) et de prouver aux régulateurs que les objectifs sont bien remplis. Il importe en effet de disposer de fonctionnalités incontournables en matière de traçabilité, de piste d’audit de conformité, de sécurité et de centralisation des données, de filtrage, de monitoring et d’alerte en temps réel.

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